vendredi 7 janvier 2011

3. Y-a-t-il une controverse autour de l’origine dinosaurienne des oiseaux?

Dans le message précédent de cette série consacré à la «controverse» sur l’origine dinosauriennes des oiseaux, j’étais revenu en détails sur les objections d’Alan Feduccia. Alan Feduccia ayant remis en cause l’homologie des membres antérieurs des oiseaux actuels avec ceux des dinosaures théropodes sensés leur être apparentés. Cependant en creusant cette question nous remarquons que cette objection de Feduccia est aujourd'hui obsolète, l’homologie des membres antérieurs des oiseaux avec ceux des dinosaures théropodes étant aujourd’hui toujours aussi solidement démontrée si ce n’est d’avantage.

Dans le présent article je reviens sur une autre objection des BANDits (Birds Are Not Dinosaurs), cette objection étant nommée «Paradoxe Temporel».

3. Le Paradoxe Temporel

Lorsque John Ostrom décrit le fossile du Cœlurosauriens Deinonychus et ramena à la vie l’hypothèse de l’origine dinosaurienne des oiseaux, demeurait néanmoins ce qui semblait être un problème de taille. Ce «problème de taille» fut exprimé sous le terme de «paradoxe temporel» et fut un des arguments favoris des opposants à l’origine dinosaurienne des oiseaux.

Quels sont les plus proches parents des oiseaux?

La mise en avant de nombreuses de troublantes similitudes entre les Cœlurosauriens comme Deinonychus et les oiseaux primitifs comme Archaeoptéryx ainsi que l’approche cladistique ont conduit les chercheurs à identifier parmi Cœlurosauriens, un clade nommé Maniraptoriens comprenant les oiseaux et leurs plus proches parents. Et les plus proches parents des oiseaux ne seraient rien d’autres que les dinosaures carnivores comme Deinonychus, Troodon et le très célèbre Vélociraptor, ces dinosaures carnivores formant eux-mêmes deux sous-clades nommés Dromaeosauridés et Troodontidés (voir schéma ci-dessous).

Mais les opposants à l’origine dinosaurienne des oiseaux ont alors pointé du doigt que ses supposés proches parents des oiseaux actuels, datent du Crétacés alors que le plus vieil oiseau connu, le fameux Archaeoptéryx est bien plus ancien car datant de la fin du Jurassique (voir schéma ci-dessous).

Jusque dans les années 1990, le plus vieil oiseau connu à savoir Archaeoptéryx était bien plus anciens que les fossiles des dinosaures théropodes sensé lui être le plus étroitement apparentés. En effet les reconstructions cladistiques montraient que les Dromaeosauridés et les Troodontidés, sont les dinosaures théropodes les plus apparentés aux oiseaux. Or ces deux familles de dinosaures n’avait été retrouvé que dans les strates du Crétacé soit bien après le plus vieil oiseau connu à savoir Archaeoptéryx qui lui est daté de la fin du Jurassique.

Pour les opposants à la parenté dinosaures-oiseaux, ce «Paradoxe Temporel» contredit cette dernière. Car si les oiseaux sont réellement des dinosaures théropodes dérivés (c’est-à-dire «modifiés»), les dinosaures théropodes plus «primitifs» (ou à proprement parler plus basaux) devraient être plus anciens que le plus anciens des oiseaux connus à savoir Archaeoptéryx

Un registre fossile lacunaire

Mais cette objection des opposants à l’hypothèse de l’origine dinosaurienne des oiseaux, fut vite contestée en rappelant quelques éléments importants.

Premièrement les Dromaeosauridés et les Troodontidés ne sont pas sensés être les ancêtres des oiseaux mais des lignées cousines de celle des oiseaux, lignées cousines partageant un ancêtre commun avec la lignée des oiseaux. Sachant que Archaeoptéryx date de la fin du Jurassique, l’ancêtre commun des oiseaux et de leurs plus proche parent dinosauriens, a été estimé par les spécialistes se situer quelque part durant le Jurassique moyen voir éventuellement au Trias.

De plus en paléontologie il est important de souligner que l’absence de preuve n’est pas la preuve de l’absence. En effet la fossilisation est un événement souvent rare et seule une infime partie de la biodiversité passée parvient jusqu’à nous sous forme de fossiles. Aussi même si des dinosaures théropodes étroitement apparentés aux oiseaux et plus vieux que Archaeoptéryx n’ont pas été retrouvé cela ne signifie pas pour autant que ceux-ci n’ont pas existé et ne seront pas retrouvé un jour.

D’ailleurs il fut rappelé aux opposants de l’origine dinosaurienne des oiseaux, qu’eux-mêmes n’avaient pas de fossiles de proches parents des oiseaux sous main et que donc leurs critiques pouvaient également s’appliquer à eux-mêmes.

De nouveaux fossiles

Les années 2000 furent riches en découvertes fossiles. Les gisements chinois de la province de Liaoning ainsi qu’en Mongolie-Intérieure dans le nord-est de la Chine, ont livré les fossiles de multiples dinosaures à plumes.

Si là encore certains dinosaures à plumes dataient du Crétacé et étaient donc là encore plus récents qu’Archaeoptéryx, les paléontologues découvrirent également des dinosaures théropodes non-aviens (qui donc n’étaient pas des oiseaux) datant du Jurassique supérieur!

En 2002 fut décrit le fossile d’un étrange petit dinosaure Maniraptorien, nommé Scansoriopteryx puis six ans plus tard en 2008 un autre dinosaure à plumes tout aussi étrange et nommé Epidexipteryx datant lui aussi de la fin du Jurassique et même légèrement plus vieux que Archaeoptéryx fut à son tour décrit.

Scansoriopteryx et Epidexipteryx furent tous les deux classé comme formant une toute nouvelle famille de dinosaures théropodes, une famille nommée Scansoriopterygidés. Chose remarquable cette nouvelle famille de dinosaure fut classé comme étant plus proches des oiseaux que ne le sont les Dromaeosauridés et les Troodontidés sans pour autant être classé comme étant eux-mêmes des oiseaux (voir schéma ci-dessous). Cependant Scansoriopteryx et Epidexipteryx sont des dinosaures ayant des caractéristiques si étranges (troisième doigt anormalement allongé de Scansoriopteryx, longues plumes rubanée sur une queue partiellement atrophié chez Epidexipteryx) que la position sur l’arbre phylogénétique des dinosaures théropodes (voir image ci-dessous) est sujette à caution.

Mais en 2009 une nouvelle découverte majeure allait être relaté par les paléontologues chinois, à savoir le fossile d’un tout nouveau dinosaure à plumes nommé Anchiornis huxleyi en l’honneur de Thomas Henry Huxley premier scientifique à avoir proposé une origine dinosaurienne des oiseaux.

Si la position phylogénétique des Scansoriopterygidés était sujette à caution Anchiornis huxleyi s’avérait être de manière claire, un représentant du clade des Troodontidés. Anchiornis huxleyi démontra donc que les Troodontidés existaient déjà durant le Jurassique et mieux encore qu’ils existaient même avant Archaeoptéryx car Anchiornis huxleyi est lui-même daté comme ayant précédé ce dernier d’environ cinq millions d’années.

En 2010 l’arbre phylogénétique des dinosaures théropodes les plus apparentés aux oiseaux s’est considérablement enrichi avec notamment les nouveaux clades affichés ici en rouge. Nous avons d’une part le clade Scansoriopterygidés généralement placés comme étant de très proches parents des oiseaux sans en être eux-mêmes pour autant. Notons cependant que la position du clade des Scansoriopterygidés, illustré sur le présent schéma est loin d’être certain. Nous remarquons également l’ajout d’Anchiornis huxleyi classé parmi les Troodontidés. Anchiornis huxleyi montre que les Troodontidés existaient déjà avant Archaeoptéryx et laisse à penser que d’autres dinosaures à plumes étroitement apparentés aux oiseaux ont du existé avant lui, peut-être même au milieu ou au début du Jurassique voir éventuellement au Trias.


Reconstitution en couleurs d’Anchiornis huxleyi
Les couleurs figurant sur cette présente reconstitution d’Anchiornis huxleyi ont été reconstitués scientifiquement par une équipe de scientifique ayant étudié les mélanosomes fossilisé conservé dans le plumage fossile des spécimens retrouvés. Notons toutefois que si les chercheurs à l’origine de cet reconstitution coloré n’ont pas pu déterminé la couleur des plumes recouvrant la queue d’Anchiornis huxleyi. Aussi pour ce qui est de la couleur de cette dernière libre à vous de vous l’imaginez jusqu’à une éventuelle nouvelle étude la déterminant une bonne fois pour toute.

Ainsi donc l’argument du «Paradoxe Temporel» fut récemment mis à mal par de nouvelles découvertes fossiles.

Découvertes fossiles qui ne se limitèrent d’ailleurs pas à celles qui furent mentionnées ci-dessus. Ainsi pas plus tard qu’au début de l’année 2010, fut décrit un nouveau dinosaure théropode maniraptorien, nommé Haplocheirus sollers.

Cette découverte récente étant importante car Haplocheirus sollers appartient à un clade de Maniraptoriens nommés Alvarezsauroïdés. Avant la découverte d’Haplocheirus sollers, les Alvarezsauroïdés n’étaient connus que par des représentants datant du Crétacé comme Shuvuuia deserti. Or les Alvarezsauroïdés du Crétacé, hormis d’avoir des plumes et d’être plus récents qu’Archaeoptéryx, avaient des caractéristiques anatomiques étranges, notamment des avant-bras et des doigts atrophiés. Ces caractères anatomiques particuliers avaient laissé penser à certains paléontologues que les Alvarezsauroïdés seraient en réalité des oiseaux «primitifs» ayant perdu l’aptitude au vole un peu à la manière des Kiwis actuels. Mais Haplocheirus sollers contredit cette thèse tout d’abord parce qu’il date du Jurassique et est même légèrement plus vieux qu’Archaeoptéryx. Ensuite parce que ce même Haplocheirus sollers dispose de membres antérieurs et de doigts non-réduits. Ce dernier point indiquant que la réduction des membres antérieurs des Alvarezsauroïdés du Crétacé ne constituent par un caractère hérité d’oiseaux volants et que donc les Alvarezsauroïdés représentent également un clade dinosaures à plumes non-aviens plus anciens que Archaeoptéryx.
Notez la position phylogénétique d’Haplocheirus sollers et des autres Alvarezsauroïdés au sein du clade des dinosaures théropodes Cœlurosauriens. On remarque que les Alvarezsauroïdés sont phylogénétiquement bien plus éloignés d’Archaeoptéryx que le sont les Dromaeosauridés et les Troodontidés. La période à laquelle vivait Haplocheirus sollers montre également que les Alvarezsauroïdés étaient plus anciens qu’Archaeoptéryx.

Reconstitution d’Haplocheirus sollers
A l'inverse d’Anchiornis huxleyi les couleurs d'Haplocheirus sollers ne ne sont pas à ce jour connus.

En conclusion il apparaît que l’argument du «paradoxe temporel» comme objection à l’origine dinosaurienne des oiseaux, hormis d’avoir été critiquable dés ses débuts, a également été mis à mal par les découvertes récentes. Ces découvertes récentes mettent d’autant plus à mal le dit paradoxe temporel qu’elles montrent que l’on a souvent tort de croire que l’absence temporaire de preuves est la preuve de l’absence. Par ailleurs ces découvertes laissent donc également à penser que des dinosaures à plumes étroitement apparentés aux oiseaux pourraient avoir existé au Jurassique moyen ou inférieur voir même éventuellement déjà au Trias, leurs fossiles n’attendant que d’être découverts.

A ce titre en 2001 fut décrit pour la première fois les restes d’une mâchoire d’un dinosaure nommé Eshanosaurus deguchiianus et qui serait vieux de plus de 190 millions soit au début de la période Jurassique, soit précédent de plus de 40 millions d’années Archaeoptéryx. Selon les auteurs de cette découverte Eshanosaurus deguchiianus serait un membre de la famille des Thérizinosaures. Or si vous vous référez à nouveau à la phylogénie des Cœlurosauriens ci-dessous, vous remarquerez que les Thérizinosaures constituent un clade de Cœlurosauriens relativement proche des oiseaux mais pas très proche non-plus. Mieux encore des «filaments» de plumes furent découvert chez le Thérizinosaure nommé Beipiaosaurus inexpectus, confirmant par là la proche parenté des Thérizinosaures avec les oiseaux. Si bien que si Eshanosaurus deguchiianus s’avérait bel et bien être un membre de la famille des Thérizinosaures alors il faudrait en conclure que les dinosaures théoropodes à plumes étroitement apparentés aux oiseaux étaient vraiment très antérieurs à Archaeoptéryx rendant ainsi l’objection du «Paradoxe Temporel» tel qu’il fut formuler pour la première fois, pour le moins obsolète.

Les Thérizinosaures forment un clade de Cœlurosauriens pas trop étroitement apparenté aux oiseaux. Aussi si Eshanosaurus deguchiianus s'avérait bel et bien être un Thérizinosaure, cela signifierait qu'il reste à découvrir un nombre très important de Cœlurosauriens non-aviens antérieurs à Archaeoptéryx.

Bien évidemment il est important de noter que l’identité ainsi que l’âge attribué à Eshanosaurus deguchiianus sont sujets à caution et ne sont donc pas encore suffisamment confirmés. Mais l’idée que des Thérizinosaures ainsi que d’autres dinosaures théropodes à plumes étroitement apparentés aux oiseaux aient existé au début du Jurassique voir même au Trias, n’a en soit rien de farfelue, le registre fossile pouvant encore nous réserver bien des surprises.

Des oiseaux au Trias?

Comme nous venons de le voir la présence de dinosaures Cœlurosauriens non-aviens et plus anciens que Archaeoptéryx semble aujourd’hui ne plus faire aucun doute. Et donc l’argument du «Paradoxe Temporel» semble être définitivement réfuté. Cependant certains opposants à la parenté dinosaures-oiseaux pensent qu’il existe toujours un important «Paradoxe Temporel» car Archaeoptéryx ne serait pas le plus vieil oiseau connu, il existerait selon eux des preuves de l’existence d’oiseaux durant la fin du Trias, soit plus de 50 millions d’années avant Archaeoptéryx!

Une des preuves souvent citée, de l’existence d’oiseaux datant du Trias serait un mystérieux fossile trouvé dans l’état de l’Utah aux Etats-Unis et nommé Protoavis.

Le fossile nommé Protoavis fut décrit pour la première fois par le paléontologue Sankar Chatterjee qui n’a cessé de défendre son authenticité face à des collègues pour le moins dubitatifs vis-à-vis de ce fossile. En notant cependant que ce même Sankar Chatterjee n’a lui-même pas affirmé que ce fossile remettait en question la parenté dinosaures-oiseaux car admettant que Protoavis pouvait lui-même être issu de dinosaures théropodes ayant existé préalablement durant le Trias, les plus anciens dinosaures théropodes datant effectivement de cette période.

Mais donc comme mentionné ci-dessus Sankar Chatterjee eu à se frotter au scepticisme de ses collègues quand à l’authenticité de Protoavis. En effet pour la majorité des paléontologues Protoavis n’a jamais existé car il s’agirait en réalité d’une chimère, à savoir deux fossiles d’espèces totalement différentes qui auraient été considéré par erreur par Sankar Chatterjee, comme appartenant à la même espèce.

En effet plusieurs «anomalies» furent détectées chez ce fossile. Par exemple Sankar Chatterjee affirma que Protoavis serait un oiseau d’avantage dérivé et donc d’avantage proche phylogénétiquement des oiseaux modernes que ne l’est Archaeoptéryx. Pourtant Protoavis posséderait malgré tout quatre doigts à ces membres antérieurs. Or aucun oiseaux, même «primitif» ne possède quatre doigts aux membres antérieurs, en réalité quatre doigts est une configuration basale, c’est-à-dire «primitive», présente par exemple chez des dinosaures théropodes non-aviens, phylogénétiquement éloignées des oiseaux. Par ailleurs une partie du crâne de Protoavis est en réalité probablement celui d’un Drepanosaurs nommé Magalancosaurus, le paléontologue Silvio Renesto ayant remarqué que cet animal avait un crâne rappelant celui des oiseaux (un cas de convergence évolutive liée à un mode de vie arboricole) et celui du fossile de Protoavis, cela indiquant qu’une part des caractères aviens attribué à Protoavis proviennent en réalité d’un animal qui n’est absolument pas un oiseau ni même ne leur est étroitement apparenté.

D’autres caractères de Protoavis proviendraient quand à eux de dinosaures «primitifs» provenant du Trias, probablement de dinosaures de type Cœlophysidés le tout confirmant le statut de chimère de Protoavis dont les différentes partie du fossiles n’étaient d’ailleurs nullement articulées et/ou associées les unes aux autres accréditant donc encore d’avantage la thèse de la chimère. Ainsi Protoavis n’a selon toute vraisemblance jamais existé et ne peut donc pas en lui-même constituer une preuve de l’existence d’oiseaux déjà fortement dérivés à la fin du Trias.

Protoavis n’est très probablement qu’une chimère. Chimère composé de la partie du crâne d’un Drepanosaurs et d’une partie du squelette d’un dinosaure théropode de type Cœlophysidés ainsi que peut-être des restes fossilisés d’autres animaux encore non-identifiés.

Cependant certains opposants à la parenté dinosaures-oiseaux mentionnent parfois une autre découverte fossile sensée démontrer l’existence d’oiseaux au Trias. Cette découverte sont des empreintes de pattes fossilisées étrangement similaires à des empreintes d’oiseaux modernes et plus spécifiquement à celles des Limicoles.

Ces empreintes furent découvertes en Argentines et sont datées de la fin du Trias ou du début du Jurassique. Elles furent décrites pour la première fois par une équipe de chercheurs en 2002 dans la prestigieuse revue scientifique Nature.

Ces empreintes de pattes sont similaires à celles des oiseaux car présentant la trace d’un Hallux retourné et touchant le sol. Le Hallux étant le premier doigt des membres postérieurs des oiseaux et l’Hallux retourné c’est-à-dire «opposé» est un des caractères aviens qui est souvent mentionné comme étant une des caractéristiques permettant de distingues les oiseaux des autres dinosaures théropodes. L’équipe de chercheurs ayant décrit ces empreintes a cependant noté que si celles-ci sont similaires à celles d’oiseaux modernes, elles ne sont pas similaires à celles d’oiseaux percheurs, car les traces laisser par l’Hallux des animaux ayant fait ces empreintes, indiquent que la position de l’Hallux était trop «élevé» et donc pas adéquate pour un mode de vie arboricole. Et donc comme déjà mentionné ci-dessus, les chercheurs comparent ces empreintes à celles des Limicoles actuels.

Sankar Chatterjee ainsi que certains opposants à la parenté dinosaures-oiseaux accueillirent ces empreintes comme preuve de l’existence d’oiseaux volants durant le Trias. Puis au cours des années 2008 et 2009, la même équipe de chercheurs ayant décrit pour la première fois ces empreintes, allèrent publiée une étude stipulant que les animaux ayant laissé ces empreintes étaient probablement capables de voler.

En effet en étudiant de près les empreintes en question, ils remarquèrent que chez certaines d’entre elles que l’empreinte de l’Hallux s’étirait en longueur comme si l’animal avait griffé le sol avec son Hallux (voir image-ci-dessous).

C’est alors qu’en comparant les empreintes fossiles en question avec diverses empreintes de Limicoles, les chercheurs constatèrent que les Limicole laissent également des empreintes d’Hallux s’étiré en longueur lorsqu’ils atterrissent, donc lorsqu’ils se posent au sol après un vol (voir image ci-dessous).


Certaines de ces empreintes datant de la fin du Trias ou du début du Jurassique, présentent des traces d’Hallux étirées sur une certaines longueurs (sur l'image du haut celles-ci sont identifiées par des flèches blanches), les chercheurs ayant constatés que celles-ci sont similaires à celles que laissent les Limicoles lorsque ceux-ci atterrissent (image du bas). Les chercheurs poursuivent en affirmant que les empreintes en question pourraient être celles d'un animal volant et donc très probablement d'un oiseau. Mais la déduction faites à partir de ces empreintes sont à prendre avec des pincettes.

Les chercheurs voient donc dans les traces d’Hallux étirés en longueur un indice probant témoignant d’une probable aptitude à vol chez l’animal ayant laissé ces empreintes. De plus ils identifient au côté de ces dernière des traces rappelant celles laissé par les Limicoles sur le sable, lorsque ceux-ci cherchent de la nourriture. Tout cela confortant l’idée, selon les chercheurs, que les auteurs de ces empreintes seraient des oiseaux capables de voler et donc déjà passablement dérivés.

Bien évidemment il est important de rappeler que les chercheurs en question évitent de s’adonner à des conclusions hâtives en prétendant que celles-ci sont certaines. Et pour cause celles-ci ne le sont pas et ne le seront pas tant qu’aucun squelette clairement associé à ces empreintes n’aura été retrouvé.

À ce titre j’avais été présenté ces études sur les empreintes fossilisé sur le site «Ask A Biologist», un sympathique site internet permettant d’avoir l’avis de certains spécialistes sur certaines questions précises. Or ma question était d’avoir l’avis d’un spécialiste sur les empreintes fossilisés en question. Or je ne fut pas déçu puisque le professeur Peter Falkingham paléontologue de l’Université de Manchester spécialisé dans les empreintes fossiles de dinosaure a eu l’amabilité de donner son avis sur la question.

Peter Falkingham note qu’il a déjà eu l’occasion d’observer des traces de dinosaures théropodes de tailles diverses, laissés des empreintes d’Hallux très similaires à celles dont il est question ici. D’ailleurs des empreintes de dinosaures théropodes laissant de probables traces d’Hallux ont également été décrites ailleurs dans le monde y compris à des périodes anciennes notamment au début du Jurassique. En fait il ajoute que même si il reconnaît le fait que les empreintes en question sont très similaires à celles d’oiseaux actuelles, toutes les empreintes de dinosaures théropodes le sont. Enfin Peter Falkingham averti sur la nécessaire caution qu’il faut avoir vis-à-vis de l’interprétation faites à partir d’empreintes, il note par exemple que les empreintes d’Hallux étirées en longueur pourraient également être interprété comme étant la résultante de sauts particuliers ou d’autres mouvements propres à l’animal qui les a laissé en s’interrogeant sur la pertinence d’une comparaison qui n’a été faite jusqu’ici qu’avec des oiseaux modernes. Aussi Peter Falkingham appelle à la prudence tout simplement.

Aussi ces empreintes fossilisés ne sont pas concluantes et ne permettent pas d’affirmer la présence d’oiseaux volant à la fin du Trias et au début du Jurassique. De plus même si des oiseaux volants avaient existé à cette période. Cela ne suffirait non plus pas à réfuter l’origine dinosaurienne des oiseaux. Car comme nous l’avons vu avec notamment le fossile de Eshanosaurus deguchiianus, la présence à ces mêmes époques de Cœlurosauriens non-aviens étroitement apparenté aux oiseaux n’est elle non plus pas totalement exclue car ayant à son actif des indices paléontologiques non-négligeables quand bien même non plus pas parfaitement concluants (à ce titre rappelons que certaines empreintes du Jurassique inférieurs vont dans ce sens).

Aussi l’objection du «Paradoxe temporel» n’est donc pas valide, elle le serait peut-être si l’on avait découvert de manière indiscutable des oiseaux passablement dérivés datant du début du Trias soit avant l’apparition des premiers dinosaures théropodes mais ce n’est pas le cas. Cette objection ne constituant donc pas une réfutation valide de l’origine dinosaurienne des oiseaux.

Références:


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